À Gundabad

Un chasseur était assis auprès d'un feu à l'ombre de Gundabad. La hampe de sa lance portant le poids de son bras et son œil guettant pour son warg dormant, celui-là pestait contre les malheurs du passé et de l'avenir et classait les Uruk-Haï comme responsables de tout cela. Il n'avait pas tout à fait tort, mais point pour les bonnes raisons. Il y avait bien une douzaine de décennies, voir un peu plus, que Sauron et ses alliés avaient été défaits, et c'est au terme de longues péripéties que les plus chanceux, les plus forts ou ceux qui savaient faire un brillant mélange des deux étaient parvenus au refuge du dernier attroupement conséquent de la race. C'est eux qui avaient attiré le regard de l'ennemi vers le nord. On ne parlait d'ailleurs pas d'un unique ennemi, avant leur venue. C'étaient plutôt quelques clans d'hommes et de nains qui n'avaient pas alors l'unique but d'éliminer la nuisible présence orque. Maintenant, par leur faute, ceux-là s'étaient ligués tous contre eux, et il n'y avait pas le moyen de quitter Gundabad sans craindre un adversaire organisé, furibond et hâtif d'en découdre, comme cela était possible par le passé, moyennant une certaine discrétion.

Il s'était passé bien du temps depuis la chute de Mhurg face au grand cerf qui avait servit de repas au reste de sa dernière sixaine. Sa plaie avait guérit, tandis que lui avait servit à ramener des vivres et s'était refait tranquillement, engraissant afin de mieux lutter contre le froid, tant qu'il le pouvait, alors que le couvert de Gundabad le lui permettait.

Assis qu'il était, donc, Mhurg pestait. Selon lui, la source du problème était l'insouciance des Uruk-Haï. Ce qu'il aurait essayé d'exprimer, s'il l'avait entièrement compris, c'est qu'en tant que la race intelligente la plus puissante, à l'individu, ces orques dénaturés à outrance se savaient invincibles et c'est ce qui les rendait si nuisibles. De tels êtres n'avaient peur de rien, quoiqu'ils puissent rencontrer. C'était bien là un outil précieux qui leur avait été enlevé par leur maître de jadis. Néanmoins, le chasseur n'ayant qu'un esprit empirique, que des talents manuels et des connaissances acquises par essais et erreurs, celui-là ne pouvait se résoudre à élaborer une hypothèse sur la question. Il fut interrompu par un grand costaud à la langue bien pendue qui n'aimait pas que l'on parlât de lui et de sa race de la sorte. L'uruk n'avait autre discourt que celui de tous les autres : rien ne le vaincrait et rien ne lui ferait peur. C'est là qu'une idée vint à Mhurg.

« Approche ton bras, si tu ne crains rien, grogna-t-il alors en se fardant d'une buche enflammée, ce qu'un Uruk plus malin, assis juste là, remarqua en souriant.
- Que fais-tu, lui demanda le gros, sans plus de sentiment que l'intrigue. »

Le maraudeur brûla le grand guerrier qui, grognant de douleur, se mit à sauter partout alors que lui et l'autre se moquaient. Selon Mhurg, craindre, c'était futé et cela assurait la survie. Dans leur orgueil, les deux uruk-haï nièrent son discours et s'en firent, incisant une voie bien claire à grandes volées dans la marée grouillante de snagas.